Le stade, témoin de l'histoire contemporaine

Depuis un siècle, l'histoire du stade s'écrit en miroir de l'histoire des sociétés modernes :

La multiplication des stades au début du siècle

Au XIXe siècle, le modèle amphithéâtral se prétait surtout aux manifestations politiques et culturelles, comme l'Arena de Milan construite en 1807. Mais, avec le renouveau des Jeux olympiques en 1896, le stade à vocation sportive se multiplie et, en se multipliant, son architecture évolue et s'adapte de plus en plus aux contraintes du sport moderne :

  • Le stade olympique de Londres, construit en 1908, présente une tribune en élévation sur une superstructure métallique.
  • Le stade de Turin, édifié pour l'Exposition universelle de 1911, se présente comme un anneau de maçonnerie traité de façon monumentale, rythmé par une série de mâts.
  • L'Allemagne n'est pas en reste, qui voit la création d'une dizaine de stades à la veille de la guerre 1914, dans un esprit de promotion du sport pour les masses.
  • Aux États-Unis, ce sont les grandes universités qui prennent l'initiative de la construction de stades aux dimensions parfois impressionnantes, très souvent inspirés d'exemples antiques.

L'utilisation du stade à des fins idéologiques

Après la guerre de 1914-1918, le rôle du sport de masse s'affirme aussi bien dans les démocraties que dans les régimes totalitaires, dans une perspective certes ludique pour les premiers, militaristes pour les seconds, mais unis dans une même idéologie de régénération du corps, et, partant, des esprits. Les dimensions des arènes s'accroissent et surtout leur nombre se multiplie. Le stade devient rapidement un équipement indispensable à toute communauté de quelque importance :
La référence monumentale et néo-romaine reste de mise dans les pays anglo-saxons, comme dans le Memorial Coliseum de Los Angeles, construit pour les Jeux olympiques de 1929. C'est un oval colossal à demi enfoui dans le sol et dont une extrémité est échancrée sur un monumental portique d'accès.
Sur le continent, les idées modernistes font plus rapidement leur chemin et président à la construction de grands stades. Á la fin des années 1920, plusieurs stades sont mis en chantier en Allemagne, comme celui de Dortmund en 1926, doté d'une façade en pierre assez fermée, ou celui de Nuremberg, construit en 1927-1928 par Otto Ernst Schweizer, le premier stade moderne aux façades très épurées, sans aucune réminiscence classique.

  • Les constructivistes russes s'intéressent aussi beaucoup à l'architecture sportive, comme en témoignent les recherches du théoricien russe El Lissitski.
  • L'Italie fasciste déploie une activité particulière dans le domaine du sport. Les architectes modernistes y recherchent plus qu'ailleurs à tirer parti de la plasticité du béton armé pour créer d'audacieuses structures, comme en témoigne le stade de Florence dessiné par Pier Luigi Nervi, et le stade de Turin. En revanche le Foro Mussolini à Rome, vaste complexe sportif implanté le long du Tibre en 1928 -- 1932, se présente de manière ostentatoire comme un hommage à l'Antiquité, avec ses tribunes très basses en pierre, son obélisque de 17 mètres, sa forêt de statues monumentales, ses mosaïques, ses inscriptions à la gloire du Duce.
  • L'Allemagne nazie se réfère, quant à elle, explicitement au classicisme. Le Deutsches Stadion à Nuremberg, conçu par Albert Speer, l'architecte favori de Hitler, devait constituer une colossale arène en pierre, capable de recevoir 400 000 personnes, ouverte à une extrémité sur une cour d'honneur entourée d'un péristyle. Seules les fondations en furent commencées. Il formait l'élément central d'une composition qui comprenait un «champ de Mars» de 700 mètres par 900 mètres et un Zeppelinfeld, immense espace bordé de tribunes monumentales, où la parti national-socialiste organisait chaque année de grands rassemblements de sinistre mémoire. Le Reichssportfeld de Berlin, construit par Werner March en 1934 -- 1936 pour les Jeux olympiques de 1936, affirme lui-aussi un néoclassicisme épuré. Une grande enceinte vouée aux manifestations de masse est ouverte à l'ouest vers un champ de parade capable de recevoir 250 000 personnes. Il est dominé par le stade olympique non couvert, de forme elliptique et légèrement excavé dans le sol, desservi per un péristyle courant sur deux niveaux.

Les constructions sportives se perfectionnent pour le confort des spectateurs

Dans l'après-guerre, le sport devient clairement un enjeu politique dans l'affrontement des blocs, alors que se multiplient les compétitions internationales et que le prestige des nations se mesure au nombre de médailles récoltées.

Simultanément, les spectateurs exigent de meilleurs conditions de confort : tribunes couvertes, places assises, bonne visibilité. Les améliorations successives apportées à de nombreux stades s'accompagnent aussi de leur environnement commercial et de mesures sécuritaires.

Le stade est devenu un équipement polyvalent, ouvert aux spectacles et non plus aux seuls sports. Quel sera le stade du XXIe ?


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